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« Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups » Luc 10,3

Nous sommes au bout du voyage. Du moins ensemble.

Et voici que surgit une parole :

« Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ».

Un envoi, logique, attendu, comme à la fin d’un culte.

Une caractéristique d’identité et de lieu : « comme des agneaux », dans un lieu comparable à une meute de loups.

Cette parole certainement en résonnance, une fois ou l’autre pour nous, dans une situation vécue.

Mais qui prend aujourd’hui un volume de résonnance particulièrement fort dans le contexte – mot très significatif ces jours – de notre formation. Ceci dans ce que nous avons pu découvrir, redécouvrir, approfondir « sur les pas de Dietrich Bonhoeffer ».

Je vous propose donc de nous arrêter sur ces trois mots : « allez » – « agneaux » – « loups ».

« Allez ». Cet un verbe de mouvement. Le voyage nous a mis dans cet état. Nous avons entendu, lors de notre première méditation, une invitation à « quitter », à nous « décentrer», à bouger  en quelque sorte, au travers de la dimension d’une formation « en voyage » ».

Le mouvement, qui nous forme.

« Allez », c’est demeurer dans le mouvement, dans ce qui a bougé, dans ce qui nous a mis en route.

Mais cet « Allez » n’est pas un « Allez » au hasard, qui viendrait de je ne sais où et nous emmènerait on ne sait où. Cet « Allez » est lié à un envoi : « Voici que je vous envoie », et à quelqu’un qui nous envoie. C’était le Christ qui envoyait ses disciples. Partager, expérimenter quelque chose de ce qu’ils lui avaient vu faire, de ce qu’ils avaient entendu de lui :  dire la paix, guérir les malades, annoncer la venue du Règne de Dieu vers les hommes et les femmes de ce monde. Et parce que c’était le Christ qui les envoyait, ils n’étaient pas livrés à eux-mêmes, à leurs seuls choix, à leurs seules forces. Ils étaient portés par celui qui les envoyait.

Nous aussi ; si nous sommes appelés à aller, à demeurer dans ce mouvement du voyage, c’est que nous sommes envoyés, et envoyés par le Christ. Nous n’allons pas au hasard, livrés à nos seuls choix, aux orientations que nous nous donnerons la peine de discerner. Aux actes qu’il nous semblera bon de faire. Certes, nous allons retourner dans nos lieux de vie, nos familles, nos paroisses ou autres lieux d’exercice du ministère. Mais nous serons aussi portés par celui qui nous envoie, dans les choix à effectuer et les actes à poser.

Quant au contenu de la mission, il sera également teinté de ce que nous avons vécu, cheminé, travaillé durant ces jours. Teinté, et habité de nos découvertes « sur les pas de Bonhoeffer ». Dire la paix, guérir les malades, annoncer la venue du Règne de Dieu dans les situations d’inquiétudes, de conflits, de souffrances et d’oppression que nous connaissons aujourd’hui.

En même temps, ce mandat d’aller comporte une certaine gravité : « Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ».

Si la comparaison est si radicale, c’est qu’il fallait bien quelque chose qui rende compte de la réalité ardue et fragile du terrain où les disciples étaient envoyés. Les disciples n’allaient pas rencontrer seulement des gens disposés à recevoir la paix et l’annonce du Règne de Dieu qu’ils allaient apporter. Le Christ les avertit même de la disproportion existant entre les dispositions qui les animent et celles d’une partie de ceux et celles qu’ils vont rencontrer. Et par comparaison, il les met en face de la crue réalité :

« Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ».

Quoi de plus évocateur pour ceux et celles qui emboîtent le pas aux premiers disciples ?

Quoi de plus signifiant du combat mené par Dietrich Bonhoeffer contre le régime destructeur du Nazisme, prédateur vorace d’humains ?

« Des agneaux au milieu des loups ».

Et quoi de plus annonciateur pour nous aujourd’hui, appelés à emboîter le pas de Bonhoeffer à la Nachfolge du Christ ?

Nous savons ainsi à quoi nous attendre, nous sommes avertis. C’est vers des loups que nous allons et c’est une peau d’agneau dont nous sommes revêtus pour les rencontrer. Pas que des loups bien sûr, mais aussi.

Le loup, c’est le prédateur qui se nourrit de ses victimes ; l’agresseur, celui qui méprise, raille, celui qui détruit par son indifférence, terrorise par ses menaces, celui qui décourage par son indifférence.

Et l’agneau, celui qui est vulnérable, celui qui brille par l’insignifiance qu’il pourrait avoir aux yeux de ce ces loups, a choisi de riposter par la non puissance.

« Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ».

Mais la promesse, c’est que les agneaux sont compagnons de l’Agneau crucifié; dans ses blessures, nous aurons la guérison de celles qui pourront nous être faites. Et qui dit agneaux, dit berger. Un berger qui veille sur ses agneaux et les bénit.

Marcher alors sans bourse, sans sac et sans sandales, c’est se savoir accompagnés et portés de sorte que notre garantie, notre sécurité, ne reposent pas sur nos seules forces, mais sur Celui qui se tient présent au cœur même de notre engagement et…le gouverne.

« Allez ! Voici que je vous envoie… ».

Amen